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Créé le : 06/12/2009 21:22
Modifié : 07/12/2009 00:52

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L’ETHIQUE EST- ELLE COMPATIBLE AVEC L’ECONOMIE DE MARCHE ?

07/12/2009 00:09



Quel est le meilleur degré d’intervention de l’Etat dans l’économie ? Comment le barème de l’impôt sur le revenu peut-il tenir compte à la fois de l’efficacité et de l’équité ?

Voici deux exemples de questions qui sont souvent posées à l’économiste. Pour répondre à ce genre d’interrogation il importe donc de définir sur une base éthique, des critères d’évaluation des situations socio-économiques et des effets de la politique économique.

Une opinion répandue chez certains économistes est que cette définition de critère appartient au domaine normatif, celui du parti-pris personnel et de l’irrationnel des passions et des émotions. Pour ce courant de pensée, les  économistes devraient éviter ce terrain miné pour préserver le sérieux de sa discipline théorique, et devrait donc se borner à demander à son interlocuteur, homme politique ou idéologue, de préciser les critères sous-jacents aux questions posées. On regroupe cette position sous trois formes critiques : la première critique postule que la définition d’un critère de justice est hors de la compétence des économistes ?

La deuxième critique dit que la définition d’un principe de justice n’est pas possible en soi (c’est le courant relativiste). Et enfin la troisième critique affirme que la définition d’un principe de justice n’aurait pas de sens lorsqu’on l’applique à des répartitions spontanées notamment sur un processus décentralisé lorsqu’il n’y a pas un Etat pour le réguler.

 

Paragraphe 1. L’éthique économique

 

Parler d’éthique en économie revient en quelque sorte à introduire un esprit philosophique dans un corps économique. L’éthique économique serait alors la partie de l’éthique qui traite des comportements et des institutions relatif à cette sphère : comment devons nous nous comporter individuellement dans ces activités d’échange et de production (c’est la dimension individuelle de l’éthique économique), et comment devons nous définir collectivement les règles légales auxquelles ces activités doivent se soumettre (c’est la dimension institutionnelle) ? La composante institutionnelle de l’éthique économique constitue à son tour un sous ensemble de l’éthique sociale, celui qui traite des institutions régulant directement ou indirectement l’échange et la production des biens et des services. La composante individuelle de l’éthique économique quant à elle ne relève pas de l’éthique sociale en ce sens, mais seulement en un sens plus large encore pratiquement coextensif à la définition de l’éthique tout court, qui étendrait son champ à toute forme de comportement social.

 

Paragraphe 2. Jugement de valeur et jugement de fait

 

Si la science a trait à ce qui est, l’éthique porte sur ce qui doit être. Ainsi, les réponses aux questions de la science constituent des jugements de fait, ou encore des énoncés descriptifs alors que les réponses aux questions éthiques constituent en revanche des jugements de valeur ou des énoncés normatifs ou descriptif ou encore évaluatifs. Il importe donc de considérer, selon la distinction de Kant (1785), deux types d’impératifs :

Les impératifs hypothétiques qui sont des « il faut » ou des « tu dois » conditionnels, qui désignent les moyens les plus appropriés pour atteindre des fins prédéterminées.

Et les impératifs catégoriques qui sont des « il faut » ou des « tu dois » inconditionnels, non pas au sens ou ils s’appliqueraient en toute circonstance, mais au sens où ils sont affirmés « tout court » sans être, comme le sont les impératifs hypothétiques suspendus à l’acceptation de fins auxquelles rien ne dit que l’on souscrit.

    Si les impératifs catégoriques sont par excellence des énoncés normatifs, les impératifs hypothétiques n’en ont en revanche que l’apparence et ne constitue qu’une catégorie particulière d’énoncés descriptifs. La difficulté dans ce domaine est de savoir dans quelle mesure nos  interprétons ce que os disons comme impliquant  impératif catégorique c’est à dire l’affirmation à nos yeux (et non  à la condition d’adopter un objectif auquel nous n’adhérons pas nécessairement) « il faut » adopter ou éviter tel ou tel comportement, maintenir ou abolir telle ou telle situation.

 

Paragraphe 3. Définition d’une théorie économique de la justice

 

Qu’il s’agisse ou non d’éthique économique et sociale, la manière dont nous avons définit l’éthique plus haut soulève d’emblée une question : comment est-il possible d’établir une affirmation éthique en économie ?  En effet, l’éthique sociale qui est la science du bien au sens morale dans la société s’oppose à l’éthique qui est la science du bien au niveau individuel. Aussi on sépare ce qui est bien ou juste (right) de ce qui est bon (good) et la structure d’une théorie morale va être largement déterminée par la façon dont elle définie ces valeurs et surtout la façon dont elle les relient entre elles. On sépare les jugements de valeurs en deux groupes : ce qui est ben pour l’individu, et ce qui est bien pour la société. On peut transposer le principe de choix rationnel valable au niveau individuel au niveau de la société. On utilise la métaphore du « spectateur idéal » : ce que l’on considère comme bien ou juste c’est ce qui serait approuvé par un spectateur idéal parfaitement informé de toutes les circonstances des distributions en utilisant l’identification par la symétrie.

 

Paragraphe 4. Economie Libérale

 

Toute société  humaine possède des ressources limitées et est constituée par des individus ayant des besoins illimités. L’économie est un mécanisme d’allocation des ressources qui permet de répondre à  la nécessité d’allouer des ressources limitées à des individus ayant des besoins illimités. Dans le cas spécifique d’une économie libérale, le mécanisme d’allocation est constitué d’une part, par un système de libre fixation des prix qui obéit au principe d’équilibre de l’offre avec la demande. D’autre part,  les décisions de consommation ou d’épargne des individus sont prises de manière libre et décentralisées. Le modèle économique de référence  de « homo économicus » repose sur le principe d’une rationalité optimisante, elle postule que les individus sont associés à des préférences autocentrées c'est-à-dire que chaque individu maximiserait sont espérance d’utilité sous la contrainte de son revenu. Dans ce cadre classique, les forces du marché s’autoréguleraient grâce au principe de « la main invisible » énoncé par Smith (1859). Une économie libérale veille en premier lieu au respect de la liberté économique (au sens de la liberté d’entreprendre, de fixation des prix, de choix etc.). Au plan éthique, on s’assure du respect des « droits de propriété » que chaque individu sur lui-meme. Chaque individu est libre et donc responsable de ses choix et des conséquences qui en découlent. Au plan social, la responsabilité économique est posée uniquement au plan individuel puisque tout mécanisme de redistribution aboutirait à violer les droits de propriété que les individus disposent sur eux-mêmes.

 

Paragraphe 5. Une approche positive, et non normative

 

L’étude de la compatibilité entre l’éthique et l’économie libérale ne peut donc être abordée que dans le domaine des théories économiques de la justice. Ces approches appartiennent au domaine de l’économie positive, et ne contiennent pas d’assertion normative ou prescriptive. Aussi provocatrice que cette affirmation puisse paraître, elle est essentielle pour comprendre l’objet de notre étude. Commençons par préciser la distinction entre positif et normatif qui est fait ici. On considère qu’un discours positif se borne à décrire ce qui est, alors qu’un discours normatif émet un jugement de valeur et prescrit ce qui doit être. On peut naturellement critiquer cette distinction au motif qu’elle parait sommaire. En particulier, la vérité est aussi une valeur et a une dimension normative (dire ce qui est, c’est prescrire ce qui doit être dit). En second lieu, dans le domaine des sciences humaines, la description des comportements humains fait des hypothèses de rationalité qui mêlent la description et la prescription, on peut même soupçonner  que, plus généralement, les raisons qui inspirent les comportements doivent apparaître crédibles sur le plan normatif pour être acceptées dans les modèles positifs.

Néanmoins, la distinction entre le positif et le normatif est très utile pour séparer dans les débats sur la justice et sur les objectifs socio-économiques, ce qui relève du parti-pris personnel, l’affirmation pure et simple de valeurs, de ce qui relève d’une analyse froide et objective des faits et des arguments.    

 

Paragraphe 6. Ethique et justice distributive

 

Le problème central de cette planche peut se résumer ainsi : comment une société libérale juste devrait-elle effectuer une allocation de biens entre des individus qui ont des revendications identiques sur ces biens ? Ce problème est clairement un problème de justice distributive, puisqu’il s’agit de déterminer comment une société ou un groupe d’individus devrait allouer une ressource rare, ou un certain produit, entre des individus dont les demandes rentrent en conflit. Dans ce travail, on focalise notre attention sur la détermination d’un critère de juste répartition des paniers de biens ou de la dotation globale.

Les préoccupations de justice distributive remonte à plusieurs millénaires dans l’histoire de l’humanité, puisqu’on en trouve trace dans les recommandations du « Talmud » et dans les réflexions menées par les grands philosophes grecs Platon et Aristote. A priori, le souci de justice distributive en économie se rencontre partout où des êtres humains sont en cause ; dès qu’une personne bénéficie d’un avantage ou subit un préjudice, on peut se demander pourquoi ce sort n’échoit pas à quelqu’un d’autre, par transfert direct ou compensatoire. Bien que tout ne soit pas en permanence ainsi remis en cause, les cas où les questions de justice interviennent se révèlent très nombreux et très variées quant à leur nature, leur importance, les volumes mis en cause, ainsi que les critères de répartition mobilisés. Cela va du trivial (qui passe la porte le premier) au vital[1] (quel patient reçoit la greffe), de l’infime à ce qui concerne globalement toute la société (comme la distribution des revenus). Les faits et leur perception conduisent à distinguer les questions de la « macrojustice » de celles qui relèvent de « microjustice ». Dans cette planche je ne présente pas l’ensemble de la littérature sur la justice distributive en économie; je considère uniquement les apports les plus significatifs de la littérature depuis les années cinquante.

De nombreux économistes qui travaillent dans les domaines de l’équité, du choix social et de l’économie du bien-être ne sont pas toujours très au fait des travaux des philosophes dédiés à l’analyse de la justice. Et pourtant la définition des concepts de justice dans le domaine économique nécessite de recourir en amont aux intuitions philosophiques de ces concepts. De nombreux économistes utilisent tantôt le principe utilitariste, tantôt le principe de justice de Ralws, pour élaborer des critères de justice en environnement économique. Ces deux principes distributifs sont importants, aussi notre objectif est-il également d’enrichir l’analyse économique de la justice d’un certain nombre de réflexions empruntées aux philosophes dans le but d’amplifier la conception que l’on développera de la notion de justice. Pour la philosophie morale, le problème central consiste en la définition de ce qu’est un ordre social juste. En ce sens, la notion d’équité intervient comme une propriété dans la distribution des ressources, la répartition des droits, des devoirs, des opportunités et des obligations dans la société. La détermination d’un tel état idéal a fait l’objet de multiples réflexions philosophiques, de la haute antiquité (Platon, Aristote) aux théories contemporaines développées par des auteurs comme Rawls (1971), Nozick (1974), Buchannan (1975), Dworkin (1981a et b) ou Walzer (1983), en passant par les philosophes  du XVII° comme Hobbes et Locke et du XVIII° siècle comme Rousseau.

Section 2. Les approches normatives de la justice

 

 

         On distingue peut identifier trois grands courants dans la littérature sur la justice en économie. Le plus ancien remonte au fameux principe de justice distributive d’Aristote, que l’on peut interpréter comme postulant qu’un bien devrait être partagé proportionnellement aux mérites de chaque agent[2]. Aussi séduisante que puisse apparaître cette idée, elle se heurte toutefois à des objections importantes. En particulier, il faut disposer d’une métrique pour mesurer la contribution de chaque agent sur une échelle cardinale[3]. Certes, cette métrique est parfois assez naturelle ; c’est le cas par exemple pour le temps que chaque travailleur passe dans le cas d’un effort commun pour produire un bien. Mais dans d’autres situations, la mesure n’est pas claire, comme dans le cas du divorce d’un couple, où il est difficile d’évaluer la répartition du patrimoine commun, entre le mari et son épouse ou encore pour décider de la garde des enfants. Le second courant, beaucoup plus influent, s’enracine dans la doctrine utilitariste. Et le troisième courant est représenté par les approches égalitaristes. Nous présentons ces deux principaux courants ainsi que les différents niveaux de justice.

 

Paragraphe 1. L’utilitarisme

 

Traditionnellement, le cadre d’analyse privilégié par les études normatives de la juste répartition en science économique s’est souvent confondu avec la théorie philosophique morale que constitue l’utilitarisme.

L’utilitarisme[4] se situe dans une longue tradition de philosophie morale, remontant entre autres à Aristippe de Cyrène et Epicure, pour lequel le souverain bien, le summum bonum, est défini par le bonheur. Mais ce bonheur était généralement conçu comme celui d’un individu, capable d’atteindre la vertu et la sagesse grâce à une recherche rationnelle du plaisir. L’apport tout à fait remarquable de l’utilitarisme est de soutenir que le bonheur collectif, et pas seulement individuel, est la seule fin morale digne de ce nom. Il soutient qu’une action est moralement bonne ou mauvaise en raison uniquement de ses conséquences sur le bonheur des individus concernés, « chacun comptant de manière égale » (Bentham). Rejetant tous critères moraux issus des croyances religieuses et des conventions sociales, l’utilitarisme est une doctrine fondamentalement laïque et humaniste qui a tenté une entreprise symétrique à celle de Kant. Il s’agit d’énoncer, de manière impartiale et à partir des seuls besoins humains, un critère universel capable de nous guider dans la réponse à la question : que devons-nous faire ?

L’utilitarisme[5] se présente donc comme une philosophie normative valable à la fois pour l’individu et pour la société. Les développements contemporains de la doctrine utilitariste ont certes affiné la notion de bonheur en celle de bien-être (welfare), afin de proposer un critère plus satisfaisant en matière de choix public et de se détacher de la psychologie hédoniste des fondateurs de la doctrine. Mais l’objectif central reste de montrer que l’égoïsme rationnel de l’individu n’est pas contradictoire avec l’utilité publique. Mais en réalité, pour l’utilitarisme, cette harmonisation ne peut se faire « naturellement ». Le droit, comme la morale, ont un rôle crucial à jouer ; d’où l’importance du critère moral. Selon Bentham, la réconciliation ne peut se faire que grâce à des sanctions, internes et externes. Ces sanctions n’étant pas seulement celles de la conscience, comme chez Kant, mais également celles de la société et de l’Etat, il est alors possible de relier la morale individuelle à l’éthique publique. Beccaria et Helvétius, puis Bentham, transformeront le principe d’utilité en instrument critique de la moralité ordinaire et des lois. L’utilitarisme est donc bien une véritable philosophie morale qui nous demande de penser le bien-être humain en termes prudentiels, mais aussi en termes éthiques.

L’apport remarquable de l’utilitarisme, toutefois, est généralement méconnu en économie, en raison des malentendus qui sont nés en grande partie de son association avec la représentation de l’homo-oeconomicus véhiculée par l’économie néo-classique, qui dépeint l’individu comme un être calculateur et intéressé par sa seule « utilité » personnelle. L’utilitarisme est ainsi perçu comme la doctrine qui cherche à rallier tous les agents de la vie économique autour d’un but unique, la maximisation du profit, ignorant la réalité des conflits de base, historiques et sociaux. Toute la dimension sociale et éthique de l’utilitarisme et de son analyse du bien-être s’est trouvé ainsi oblitérée et il ne reste plus qu’une vision tronquée et caricaturale de l’être humain, voué à la défense médiocre de ses intérêts égoïstes.

L’influence de l’éthique utilitariste a permis une restructuration plus restrictive du socle informationnel sur lequel la comparaison éthique entre deux états sociaux donnés pouvait se développer. Sen (1979) désigne cette restriction informationnelle sous l’appellation welfare.

Le welfarisme postule que seule l’information fournie par les fonctions d’utilité individuelle peut servir de référence pour évaluer différents états sociaux. Ce cadre éthique privilégie le bien-être atteint par les individus comme lieu de comparaison, appréhendé à travers le prisme subjectif de l’utilité individuelle. Pour Sen, l’adhésion de la théorie économique à la métrique de l’utilité a contribué à un affaiblissement de l’aspect moral de la science économique en rétrécissant la gamme des critères de juste répartition susceptible de se déployer dans le cadre informationnel retenu. L’avènement de la nouvelle économie du bien-être[6] marque une étape décisive dans l’affaiblissement du lien entre l’éthique et économie voire une rupture entre la philosophie morale et la réflexion économique. Le refus des comparaisons interpersonnelles d’utilité et l’éviction de toute considération éthique dans la définition du comportement individuel a réduit encore le champ d’investigation des théories économiques normatives de la justice et limité l’intégration de théories divergentes de la filiation utilitariste et welfariste. Cette dernière s’est manifestée dans l’économie du bien-être par l’intermédiaire de la notion  de Pareto-optimalité qui exclut les considérations de répartition.

En économie comme en philosophie, la doctrine utilitarisme adopte une approche conséquentialiste de la justice, ce conséquentialisme consiste  à évaluer la justice au niveau de la distribution finale en faisant totalement abstraction de la procédure et de l’inégalité de la distribution. Le principe utilitariste possède deux variantes : l’utilitarisme classique pur, maximisation de l’utilité totale , et l’utilitarisme moyen qui consiste à diviser cette somme par le nombre des individus concernés, c’est le maximum par tête[7] que l’on considère . D’autre part, deux définitions de l’utilité cohabitent au sein de la doctrine utilitariste : l’utilitarisme hédoniste tel que le préconisait les fondateurs de l’utilitarisme définit l’utilité comme un plaisir et une souffrance matérielle. Une minorité d’économistes adhère à cette définition. Ils lui préfèrent celle qui considère l’utilité comme satisfaction de n’importe quelle préférence rationnelle, c’est l’utilitarisme préférentiel d’Arrow et Harsanyi. Comme toute théorie normative de la justice elle sépare ce qui est bien ou juste[8], de ce qui est bon[9] et la structure de cette théorie morale va être largement déterminé par la façon dont elle définit ces valeurs et surtout la façon dont elle les relie entre elles. Ainsi l’utilitarisme définit ce qui est bon indépendamment de ce qui est bien, le bien va être caractérisé comme ce qui maximise le bon. L’utilitarisme est une théorie purement téléologique, c’est-à-dire qui s’intéresse aux fins, aux résultats, aux conséquences et non aux intentions des individus. Elle sépare ainsi les jugements de valeurs en deux groupes ; ce qui est bien pour l’individu et ce qui est bien pour la société (à partir de la maximisation du bien-être individuel). La façon dont le total des utilités est réparti entre les individus ne compte absolument pas. Il s’agit donc d’une conception agrégative de la justice, on transpose le principe de choix rationnel valable au niveau individuel, au niveau de la société ; on utilise la métaphore du « spectateur impartial ». L’intuition derrière ce que l’on considère comme bien ou juste c’est ce qui serait approuvé par un spectateur impartial ; rationnel idéal, impartial et parfaitement informé de toutes les circonstances des distributions en utilisant l’identification par la sympathie. Ce principe valable pour un individu sera appliqué à la société dans son intégralité.

On peut distinguer une troisième forme d’utilitarisme, c’est l’utilitarisme comme égale considération de tous les intérêts. Dans cette version, l’utilitarisme accepte le principe générique d’égalité. Néanmoins, cette forme d’égalité de traitement reste vague puisqu’il s’agit d’accorder le même poids aux préférences de chacun indépendamment du contenu de ses préférences ou de la situation matérielle des individus concernés. En agissant ainsi, cela revient à traiter chacun sur un même pied d’égalité, avec le même respect et la même considération comme l’expliquait Bentham (1999a), « chacun compte pour une unité, et personne pour plus d’une unité ». L’utilitarisme dans cette version préconise que les actions moralement bonnes sont celles qui maximisent l’utilité et la maximisation apparaît comme un effet annexe d’un critère destiné à permettre une agrégation équitable des préférences des individus. L’exigence de maximiser l’utilité découle entièrement de l’exigence préalable de traiter tous les individus avec une égale considération.

Cette doctrine a fait l’objet de nombreuses critiques dont deux objections qui s’attaquent aux fondements classiques. Premièrement, son incompatibilité avec certaines intuitions de la justice, on considère que certaines de ses recommandations se heurtent à une conception intuitive de ce qui est juste. D’autre part, des tensions entre l’utilitarisme et l’égalitarisme[10]. L’utilitarisme s’accommode et s’accompagne d’une distribution inégalitaire.

Si l’intuition accorde un statut privilégié à l’égalité, le principe utilitariste est contraire à ce que semble illustrer l’intuition. Ce conflit prend une forme plus grande car l’utilitarisme peut conduire à légitimer les violations de droits et de libertés en opposition à ce que prône l’intuition. Elle conduit à une certaine indifférence de l’individu car ce qui importe c’est l’ensemble.

Mais il existe une stratégie de défense introduite par Harrod, qui consiste à modifier la formulation de l’utilitarisme en conservant le cadre général. On passe de l’utilitarisme des actes à l’utilitarisme de la règle. L’idée sous-jacente est qu’une action qui est juste n’est plus une action qui maximise l’utilité mais une action qui se conforme à une règle, règle dont l’observation par tous maximise la somme des utilités. Ce déplacement de justice se justifie car il est préférable de se fier à des règles absolues et judicieuses dont l’application aboutit à des actions justes. Cependant, cet argumentaire n’est pas entièrement satisfaisant puisque la protection des droits de la personne reste contingente. Par exemple si on vit dans une société où il n’est pas vrai que l’autonomie de la personne contribue au bien-être de la société alors le fondement du droit en question n’est pas forcément garanti. Une autre objection porte sur l’incompatibilité éventuelle avec la prise en compte des comparaisons interpersonnelles et de la cardinalisation des utilités. Pour maximiser la somme des utilités, il faut avoir un valorimètre commun au niveau des individus. Affirmer que l’utilité d’un individu est supérieure à celui d’un autre suppose que l’on a une justification des comparaisons interpersonnelles. D’autre part, il faut estimer les comparaisons interpersonnelles,  ainsi que l’intensité des préférences, or la cardinalisation de l’utilité n’est que partielle. En outre, les informations nécessaires sont en générales difficiles à obtenir. C’est la position des économistes qui sont à l’origine d’un courant en réaction à l’utilitarisme classique : la nouvelle économie du bien-être repose sur une conception purement ordinale de l’utilité ainsi que sur l’optimum de Pareto. 

Le troisième grand courant que l’on rencontre au sein des théories de la justice correspond à l’égalitarisme, défendu entre autres avec force par Rawls (1971). Ce courant s’est développé à la suite de l’utilitarisme, pour caractériser son ambition, il convient de développer les critiques qui ont été adressées au welfarisme.

 

 Paragraphe 2. L’égalitarisme libéral

            Quelle que soit la définition de l’utilité que l’on considère, la remise en cause du welfarisme emprunte deux voies différentes. Ces critiques reposent sur l’idée que la métrique de l’utilité donnerait une image à la fois incomplète et biaisée de la position d’un individu dans l’état social. La première voie admet que l’utilité reflète en partie le bien-être d’un individu mais souligne qu’elle ne permet pas d’intégrer toutes les informations pertinentes pour juger de l’équité d’une situation. Dans l’approche libertarienne[11], le philosophe Nozick prétend que mettre l’accent sur l’utilité conduit à ignorer toutes considérations sur les droits qui doivent contraindre les distributions guidées par un principe distributif welfariste. Pour Nozick (1974, p. IX), « les individus ont des droits et il y a certaines choses que personne, individu ou collectivité, ne peut leur faire (sans violer leurs droits) ». D’autre part, les actions individuelles font également l’objet d’une critique qui participe au rejet du welfarisme, par exemple dans le modèle économique standard, le comportement des agents est motivé par la recherche de l’intérêt individuel. Cette rationalité conduit à maximiser uniquement son propre bien-être, les agents ont des comportements autocentrés. Cette condition de cohérence des actions individuelles n’est pas distinguée du comportement moral. Un agent ne peut donc pas accorder de valeur à l’occurrence de certains évènements indépendamment de l’influence qu’ils exercent sur son bien-être c’est-à-dire sur son utilité.

La seconde voie de critique du welfarisme remet en cause l’idée selon laquelle l’utilité constitue une bonne évaluation de la position de l’individu dans un état social. L’utilité renvoie une image erronée, déformée du bien-être. La première explication retient la possibilité d’une formation endogène des préférences d’un agent. Ce mécanisme dit des préférences adaptatives postule que la position sociale de l’individu, son environnement, exerce une influence déterminante sur ses aspirations. L’utilité apparaît alors dans cette approche comme un piètre indicateur du bien-être individuel, sur lequel il parait impossible de fonder des jugements éthiques, puisqu’elle manifeste une dépendance inacceptable à l’égard des circonstances contingentes de la vie d’un individu. La deuxième critique du welfarisme concerne l’absence de discrimination entre les différentes sources de l’utilité. L’utilitarisme et plus largement le welfarisme n’émettent aucun jugement de valeur[12] quant aux désirs ou aux préférences dont les individus recherchent la satisfaction.

La critique de la métrique de l’utilité concerne le problème des goûts dispendieux. Dès lors qu’un individu développe de tels goûts, il exige une part plus grande des ressources pour parvenir à un niveau donné de bien-être. Le problème éthique qui se pose est de savoir s’il est légitime de satisfaire par un supplément de ressources ces goûts dispendieux alors qu’ils font l’objet d’un choix de l’individu.      

L’égalitarisme[13], ou plus généralement le courant post welfariste, est une approche philosophique et économique de la justice qui pose clairement le problème du choix d’un attribut individuel pertinent et plus particulièrement du  choix entre une conception subjective et une conception objective du bien-être individuel, en même temps que celui de la modalité via laquelle le bien-être est évalué, en termes de résultats ou simplement de possibilités. Il prend son essor dans le sillage des critiques portées dans le sillage des travaux de Rawls (1971) et Dworkin (1981a, b). L’ambition des défenseurs de ce courant consiste à donner un contenu égalitaire (égalisation des ressources externes plus interne) et, à ce titre, le trait commun entre les différentes théories est le rejet de l’égalité du bien-être. Plus précisément, au lieu de se centrer sur le résultat atteint par l’individu, le courant post welfariste considère la distribution des ressources comme l’étape privilégiée de mise en œuvre des principes d’équité. Le débat sur « l’égalité de quoi » que pose Dworkin (1981) renvoie en outre à un troisième questionnement qui concerne le principe de la répartition des attributs. Le choix de la répartition directe égalitaire est quelquefois présenté comme une hypothèse de travail, plutôt que comme une position essentielle au débat. Enfin, les problèmes informationnels sont susceptibles d’interférer avec le choix du principe de répartition. Pour saisir le lien entre l’égalitarisme et la responsabilité individuelle, il est nécessaire de définir la notion de ressource. Le dépassement des critiques portées sur le welfarisme prend la forme d’un élargissement de la base informationnelle nécessaire pour juger la position des individus dans la société. Le terme de ressource correspond à un ensemble de variables qui exercent une influence directe ou indirecte sur le bien-être. Les ressources représentent ainsi les moyens dont dispose un individu pour mettre en œuvre sa conception de vie bonne ou du bien-être. Dans cette approche, on distingue les ressources externes traditionnellement représentées par le vecteur des dotations initiales de l’économie en biens, des ressources internes constituantes d’une personnalité et par là même inaliénables. L’apport fondamental de cette littérature tient dans la distinction établie entre deux types de ressources internes autour du critère de la maîtrise exercée par l’individu sur ses dotations internes. C’est par ce biais que la notion de responsabilité est introduite dans cette approche. Le premier type de ressources internes met l’accent sur le caractère, les goûts des individus qui se manifestent à l’occasion du choix de leur plan de vie. Les variables personnelles qui peuvent être affiliées à cet ensemble sont celles dont l’individu peut être tenu pour responsable. Cette catégorie de ressource interne désigne les paramètres personnels qui influent sur le bien-être et sur lesquels l’individu peut exercer sa responsabilité individuelle. D’un autre coté, le second type de ressources interne désigne des paramètres personnels sur lesquels l’individu ne peut exercer un choix. Ces paramètres sont liés soit aux moyens et aux capacités innées personnelles de l’individu soit à son environnement. Ils ont en commun d’exercer sur le bien-être de l’individu une influence que celui-ci ne peut contrôler. La  distribution de ces capacités que l’on qualifie sous le terme générique de talent constitue le fruit du hasard et à ce titre s’avère arbitraire du point de vue moral. On en déduit qu’une faible dotation en talent peut soutenir une revendication juste à des ressources supplémentaires. L’objectif des approches égalitaristes consiste à déterminer une répartition des ressources externes adéquate qui permette de compenser les différentiels de dotation en talent. Sur ce dernier plan, prenant très au sérieux les ambitions de l’utilitarisme, Ralws (1971) - sans doute le plus ardent défenseur de l’égalitarisme - a développé, de l’intérieur même de la doctrine utilitariste la critique la plus forte de cette transformation du bien-être en critère moral, en pointant notamment la faiblesse de sa conception de la justice des droits. Le principe du « plus grand bonheur pour le plus grand nombre » aurait, selon lui, l’effet pervers de sacrifier les droits de la personne et de la laisser sans défense face à la tyrannie[14] de la majorité. Cette dimension « sacrificielle » est indéfendable, moralement et politiquement, puisque « chaque personne possède une inviolabilité fondée sur la justice qui, même au nom du bien-être de l’ensemble de la société, ne peut être transgressé. Les droits garantis par la justice ne sont pas sujets à un marchandage politique ni aux calculs des intérêts sociaux. »

C’est à l’examen de la validité de cette critique que sera consacrée en partie cette étude, après avoir clairement exposé les enjeux et les conséquences d’une définition du critère moral en termes de bien-être. Pour Rawls, le principe central de la distribution consiste à maximiser le sort des plus défavorisés, c’est le fameux « principe de différence », souvent qualifié par les économistes de « critère du maximin ». Ce principe de différence évite l’un des écueils inhérents à l’utilitarisme classique puisqu’il se fonde en partie sur les caractéristiques observables de chaque individu (tel que le revenu) au lieu de s’appuyer sur des comparaisons interpersonnelles de bien-être.

Finalement, on distingue deux approches parmi les approches égalitaristes, elles se différencient à la fois par la procédure de compensation retenue et par la frontière tracée au sein des variables personnelles. Cette frontière permet de discriminer entre les variables personnelles affectées par le transfert et faisant partie du lieu de l’égalité et celle qui sont imputables à la catégorie qui n’ouvrent pas un droit à la compensation. Historiquement, la première école trouve son origine dans les travaux de Rawls (1971) et Dworkin (1981 a et b). Elle privilégie comme critère de juste distribution la répartition égalitaire de l’ensemble des ressources disponibles[15], la compensation prend la forme d’une égalisation du « panier étendu » de ressources. Cette caractéristique explique que ce courant soit quelquefois qualifié de « ressourciste ».

La deuxième école a été initiée par les travaux de Sen (1985), Arneson (1989) Cohen (1989) et Roemer (1993). La juste compensation prend la forme d’une égalisation du domaine de choix. La répartition des ressources externes vise dans cette optique à égaliser les occasions d’accès à certains résultats sur lesquels les auteurs divergent. Ce courant s’est construit en partie sur le rejet de la dichotomie proposée par Dworkin entre les goûts et les préférences d’une part et les ressources internes d’autre part. La critique émise souligne qu’un individu peut ne pas être responsable de ses préférences dès lors que celles-ci ont été formées et développées dans des circonstances qui échappent à sa responsabilité. L’école de l’égalité du domaine de choix distingue toutes les variables et caractéristiques sur lesquels l’individu exerce un contrôle et se propose de discriminer entre ces facteurs, ceux dont il peut légitimement être tenu pour responsable et la catégorie des facteurs personnels hors du contrôle individuel.

Les théories égalitaristes post-welfaristes se caractérisent par une utilisation généralisée de la démarche axiomatique. Celle-ci remplit deux taches : elle permet d’expliciter les prémisses normatives sur lesquelles repose la théorie et participe ainsi à l’approfondissement des fondements philosophiques du principe de justice mis à jour. Elle conduit ensuite à faciliter les inférences logiques qui lient les prémisses du principe distributif et contribue par là même à améliorer la cohérence interne de la théorie. Dans la perspective des liens entretenus par les principes de justices théoriques avec l’éthique pratique, il est possible d’opposer aux théories égalitaristes post-welfaristes des approches qui proposent un traitement différent de la pluralité des caractéristiques personnelles en admettant la multiplicité des ordres de comparaison entre les individus et des sphères de justice. Il s’agit de substituer à la pluralité interne, des métriques post-welfaristes une pluralité « externe », qui s’appuie sur la reconnaissance d’une diversité des sphères distributives[16] (Walzer (1983)). Ce choix méthodologique a pour corollaire l’acceptation d’une pluralité de principes de justice. Les théories pluralistesAjouter un commentaire | Lien permanent

 

 

Pourquoi l’Etat doit intervenir dans la régulation économique du système de santé en France

06/12/2009 23:14



Les systèmes d’assurance maladie de la plupart des pays occidentaux rencontrent des difficultés liées à un accroissement des dépenses de soins de santé. Pourtant, non seulement cette augmentation des dépenses ne s’est pas accompagnée d’une amélioration significative des performances sanitaires mais au contraire elle a engendré des inégalités en matière d’accès aux soins. Les déficits abyssaux rencontrés par les systèmes de santé donnent lieu à des débats politiques sur les directions des réformes susceptibles d’en améliorer l’efficacité. Dans ces débats de politiques publiques parfois vigoureux, les points de démarcation entre les différentes approches  portent essentiellement sur les rôles respectifs du secteur public et de la concurrence dans les systèmes de santé.       

La droite, c'est-à-dire les partisans d’une privatisation de la santé décomposent schématiquement un système de santé de manière à isoler deux fonctions qu’ils considèrent comme essentielles : il y a d’une part la fonction d’assurance, elle porte principalement sur la prise en charge des coûts de traitement effectués par les professionnels de santé qui représentent l’offre de soin et d’autre part, la seconde fonction complémentaire régit la relation entre l’assureur et les professionnels de santé. Dans leurs analyses, rien ne distingue le schéma de fonctionnement de l’assurance maladie de celui que l’on rencontre dans d’autres types d’assurance comme l’assurance dommage (incendie). En effet, pour ces assurances, la régulation publique est relativement limitée et le rôle de l’Etat est de s’assurer  que les assureurs possèdent des garanties de solvabilité en instituant une réglementation spécifique sur la co-assurance. Ainsi, pour la droite, la « santé » est un bien comme les autres et comme tous les biens ordinaires, le système des prix permet d’orienter l’offre et la demande de soin à un niveau efficace. Dans ce cadre, l’assurance maladie est un service marchand parmi d’autres et les cotisations s’établissent à leur niveau actuariel. L’intuition sous jacente à cette démarche économique est que chaque patient est capable d’effectuer de bons arbitrages et les bonnes comparaisons entre les inconvénients et les bénéfices d’un acte médicale quelconque. L’efficacité économique de cette approche suppose que chaque individu possède une bonne connaissance d’une part sur son état de santé et d’autre part sur les compétences des médecins, pharmaciens, infirmières, centres hospitaliers universitaires etc. La rationalité du consommateur de soin implique que celui-ci a une information parfaite sur sa personne, sur les différentes perspectives en terme d’offre de soins et ainsi il pourra réaliser les bons arbitrages. Dans ce cas, une privatisation[1] du marché des soins peut conduire à une allocation de ressource efficace. Mais cette privatisation ne garantie pas que tous les individus auront accès à des services de santé et de consommation médicale même minimes.

Devant la régression sociale constituée par un tel système de soins, les partisans de la privatisation du système de santé proposent souvent de cantonner l’intervention publique éventuellement pour garantir l’accès au soin. Dans ce cadre, le rôle de l’Etat pourrait se limiter à la mise en œuvre d’un système fiscal de redistribution qui donne aux individus les moyens de payer leur prime d’assurance sur le marché. Pour illustrer cette démarche, on peut prendre l’exemple des Etats-Unis où l’intervention publique est strictement ciblée sur certaines catégories de la population. Dans ce pays, l’assurance publique est destinée à deux types de populations. Il y a d’abord le programme public Medicare qui couvre les personnes de plus de 65 ans soit 14% de la population  et d’autre part le programme public Medicaid, qui s’adresse aux personnes les plus défavorisées et ils couvrent 15% de la population. On peut d’ailleurs constater que certaines mesures de santé publique mises en œuvre par les gouvernements de droite étaient directement inspirées du modèle américain. Par exemple, dès 1994 les organismes regroupant les financeurs et les professionnels de santé appelés les HMO[2] ont développé un programme de régulation des dépenses de santé qui repose sur une gestion coordonnée des soins «Managed Care». Les HMO offrent un réseau de prescripteurs sélectionnés, souvent salariés des HMO, et dans lequel l’accès aux soins de spécialistes est contrôlé par un médecin généraliste « gatekeeper ». C’est bien ce modèle qui a été transposé en France par la droite au travers de la mise en place du système de «médecin traitant».

 

 

 

pays

 

Population couverte par une assurance publique

 

 

Taux de couverture des dépenses (%)

 

Part des dépenses publiques dans les dépenses de santé

 

 

Dépenses de santé en % du PIB

 

 

France

 

 

 

99.5

 

 

75

 

 

76

 

 

8.8

 

 

Allemagne

 

 

 

92

 

 

92

 

 

72

 

 

8.5

 

 

Italie

 

 

 

100

 

 

76

 

 

78

 

 

8.2

 

 

Suède

 

 

 

100

 

 

94

 

 

88

 

 

8.6

 

 

Royaume Uni

 

 

 

100

 

 

93

 

 

83

 

 

6.1

 

 

Etats-Unis

 

 

 

44

 

 

61

 

 

42

 

 

16

 

 

Tableau : dépenses de santé, part du financement public, dépense de santé en % du PIB et population couverte par une assurance publique pour quelques pays de l’OCDE (source CREDES)

 

Une approche progressiste de la santé

Pour les socialistes, le bien «  santé » est tout d’abord un bien particulier et les services de santé combinent un ensemble de caractéristiques qui leur confère un statut particulier et justifie une quasi gratuité des soins, c’est ce que l’on appelle la socialisation de la demande. En effet, la santé engendre des effets externes très forts sur le reste de l’économie. On peut considérer que les performances économiques d’une population dépendent de son niveau global de santé et réciproquement. Or un individu ne possède en général pas suffisamment d’information sur son état pour orienter sa demande de soin efficacement en terme économique. Dès lors, le déficit informationnel est tel que l’efficacité d’un système de santé repose essentiellement sur la capacité de l’assureur à se substituer au patient dans ses choix de consommation. Dans ce cadre, on est en présence d’une relation économique classique entre un acheteur qui représente l’intérêt général de ses clients ou sociétaires ou affiliés et un ensemble de producteurs constitués par l’ensemble des professionnels et les établissements de santé. Dans cette relation de délégation entre les patients et les assureurs de santé, l’intervention publique permet de garantir l’intérêt général et permet aussi de formaliser certaines obligations ou normes en matière de prévention ou de production de soin. Les justifications de l’intervention publique dans les systèmes de santé ne reposent pas seulement sur des considérations d’équité ou de redistribution. En effet, le rôle de la puissance publique dans le cadre de l’assurance maladie repose aussi sur l’existence entre autre d’asymétries d’information c'est-à-dire l’aléa moral[3] ou la sélection adverse[4] du coté de l’offre et de la demande de soin, l’existence d’effets externes (épidémies) ce qui engendrent des imperfections de marché. Clairement, le marché concurrentiel, le système de prix ne peuvent orienter correctement l’offre et la demande de soin car l’efficacité d’un tel fonctionnement concurrentiel exige que les individus puissent faire des arbitrages en connaissance de cause. C’est pour ces raisons que les systèmes de santé les plus libérales comme aux Etats-Unis admettent une intervention publique. Mais l’intervention de la puissance publique dans le financement de l’accès au soin ne peut être équitable et efficace que lorsqu’elle ne se limite pas à l’organisation d’une assurance santé.    

Maintenant, l’analyse économique du fonctionnement du marché des services de santé permet d’identifier la présence de comportements stratégiques de la part des assurés comme des professionnels de santé. A titre d’illustration, dans le système français on peut constater les tendances à la surconsommation de certains actes ou biens médicaux, encouragée tant par les modes de rémunération des professionnels de la santé que par la forme de la prise en charge des patients. Ce constat suggère d’une part que l’étendu et le mode d’organisation de l’assurance publique peuvent avoir un impact important sur deux aspects du comportement des ménages : leur participation au marché du travail, leur recours aux soins et d’autre part que l’existence même d’une assurance publique engendre des conséquences redistributives lorsque les contributions au financement du système public sont proportionnelles aux revenus et ne dépendent pas directement des risques individuels. C’est précisément lorsque le financement public est basé sur le prélèvement proportionnel des revenus indépendamment des risques individuels que le système d’assurance maladie incorpore le principe de solidarité entre les affiliés. Toutefois même avec l’intervention publique dans la production de soin (système hospitalier, médecine de ville…), on assiste à un accroissement considérable de la part de la richesse nationale consacré à la santé. Celle-ci est passée de 5% du produit intérieur brut (PIB) dans les années 60 à 8-10% au début des années 2000. Cette caractéristique générale est commune à l’ensemble des pays développés avec une mention particulière pour les Etats-Unis pour lesquels « l’effort pour la santé » est passé de 5% en 1961 à plus de 15% du PIB aujourd’hui. Sur un autre plan, on peut également constater que la part des dépenses public dans les dépenses de santé varie beaucoup entre les pays développés entre 45% pour les Etats-Unis et 95% pour la Norvège. En France, les gouvernements de droites ont mis en œuvre des politiques de désengagement de l’assurance publique sous le prétexte fallacieux des contraintes budgétaires. D’ailleurs, cette augmentation relative du secteur privé ou de paiement direct par le patient n’a pas eu d’incidence significative sur l’augmentation générale des dépenses de santé. En revanche, Ce désengagement public a été à l’origine en France, d’un accroissement des inégalités d’accès au soin puisqu’une proportion non négligeable de français renonce à se faire soigner lorsqu’ils ne sont pas couverts par une mutuelle. Ce dernier phénomène porte le nom « d’effet revenu », et le rôle du revenu dans la demande de soin peut être mise en évidence par les comparaisons entre les pays. En effet, plus le PIB par tête croit et plus on assiste à une augmentation[5] des dépenses de santé, ce qui conduit à considérer la santé comme un bien « supérieur[6] ». En France, la plupart des études menées par l’INSEE et par le CREDES mettent clairement une différentiation de la consommation des soin en fonction des catégories sociaux professionnelles ou du niveau de revenu. Les principaux résultats montrent que les hauts revenus ont plus recours à la médecine préventive c'est-à-dire qu’ils consomment d’avantage de soin de ville que les bas revenus, ces derniers recourent d’avantage aux soins hospitaliers et notamment aux services d’urgence (faible recours à la médecine préventive). La dépense moyenne en médecine de ville est en grande partie liée au revenu de sorte que lorsque le revenu d’un français augmente, celui-ci a tendance à consulter davantage de spécialistes. On explique ce phénomène par un effet revenu : les classes sociales ayant un faible revenu ont tendance à repousser la dépense de soin dans le temps et à s’orienter vers l’hôpital car ils sont alors dispensés de l’avance de frais à la différence des soins de ville. Or les politiques de régulation des dépenses en santé menées par les gouvernements de droite successives reposent sur le désengagement de l’assurance maladie par l’utilisation des instruments de copaiement[7] comme les déremboursements… Ces politiques sont injustes et inefficaces ; d’abord injuste car elles pénalisent fortement les classes sociales ayant les bas revenus (effet revenu) et remettent donc en cause le principe d’équité dans l’accès aux soins, et inefficaces car les professionnels de la santé vont reporter les prescriptions faites aux hauts revenus sur d’autres biens ou services mieux pris en charge et à cause de la présence de complémentaires maladies.      

Bref, une bonne régulation des dépenses de santé doit intégrer ensemble les objectifs en terme d’efficacité économique et d’équité dans l’accès aux soins. Considérant que le marché économique de la santé n’est pas un marché comme les autres. En effet, le patient consommateur de soins ne possède pas l’information suffisante pour orienter son choix de consommation de manière efficace, c'est-à-dire à obtenir le meilleur traitement au prix le plus faible possible de fait l’efficacité d’un tel marché impose l’existence d’une délégation de droit[8] du patient vers son assureur qui devient alors l’acheteur de soin auprès des professionnels et établissement de santé. La régulation respectera d’une part l’équité dans l’accès aux soins si l’assureur intègre correctement l’intérêt général des assurés et d’autre part une régulation efficace implique que l’assureur doit s’assurer d’un fonctionnement efficace des professionnels et établissements de soins c'est-à-dire qu’il obtienne le plus de services sanitaires possibles à ses affiliés aux conditions tarifaires les plus faibles. Dans ce cadre, seule une intervention publique est capable de respecter ces deux conditions.                     

 

                                                                                                      



[1] Un système de santé privé ne serrait efficient au plan économique en France à la condition que l’ensemble de la population française soit constituée exclusivement de médecins.

[2] Health Medical Organization

[3] On distingue principalement deux formes d’aléa moral ; dans cas de l’aléa moral ex ante, un individu assuré n’a pas d’incitation directe à se prémunir contre le risque maladie ce cas concerne l’effort de prévention du risque maladie on dit que l’assurance favoriserait les comportements pathogènes. L’aléa moral ex post fait référence à la consommation médicale une fois la maladie déclarée (nomadisme, multiplication d’examens…).

[4] Si l’information dont dispose l’assureur sur les assurés est imparfaite il résulte que la prime d’assurance ne peut être différentiée. Ainsi, les « bas risques » dont les cotisations subventionnent de fait les hauts risques sont incités à ne pas s’assurer.

[5] Cette augmentation est généralement plus que proportionnelle.

[6] Bien dont la consommation augmente lorsque le revenu s’accroît.

[7] Mécanismes qui utilisent ticket modérateur, le remboursement forfaitaire et les franchises.

[8] On parle d’une relation d’agence entre assureur et producteur de soins



Commentaire de democratie (07/12/2009 00:29) :

Voir http://democratie.vip-blog.com Le changement ne peut se faire durablement que legalement donc par une modifiction de la base meme de la constitution . Toutes les autres manoeuvres seraient comparable a un pansement sur une jambe de bois .

http://democratie.vip-blog.com



 

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